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Entretien

Entretien avec Michel Dorais pour «Petit traité de l'érotisme».

Pourquoi ce nouvel ouvrage, votre quinzième en carrière ?

D’une certaine façon, ce Petit traité de l’érotisme fait la synthèse de ce que j’ai appris de plus essentiel sur l’attraction sexuelle au fil de mes recherches et de mes réflexions. Bien qu’il touche tout le monde, assez curieusement, le sujet demeure encore méconnu, énigmatique même. J’ai pris plaisir à décrire les ingrédients de base de la recette érotique, si j’ose dire. Car, bien que chacun et chacune aient un érotisme personnel, il y a des aspects qui se retrouvent dans l’érotisme de la plupart des gens.

Vous ne croyez pas qu’il y ait un érotisme propre aux hommes et un autre particulier aux femmes ?

Ce n’est pas si tranché que ça. Je nuancerais ma réponse en disant d’abord que nous avons tous un érotisme particulier, ensuite qu’hommes et femmes subissent des influences sociales et culturelles différentes en matière d’érotisme. Pour reprendre le titre d’un de mes précédents ouvrages, nous sommes tous sous influence, mais pas forcément de la même façon ni avec les mêmes résultats. Il y a là un paradoxe : l’érotisme est quelque chose d’universel, mais son contenu est singulier. C’est pourquoi j’affirme que l’érotisme de chacun est inventif, toujours plus ou moins original, en raison de ses expériences de vie.

Le sujet est vaste, en effet, pourtant ce livre est très concis : c’est un choix ?

J’ai voulu aller à l’essentiel et j’ai adopté un style d’écriture en conséquence : pas de mots en trop, très peu de digressions. Étant moi-même un grand lecteur, je sais que le temps est précieux, surtout quand il s’agit de lire des essais, en général moins ludiques que les romans. Vu le côté ludique, justement, du sujet, j’avais l’intention, dès le début, de rédiger un livre agréable à lire et facile à comprendre. Les dessins qui illustrent mon propos vont d’ailleurs tout à fait en ce sens. Chaque corps est traversé d’histoires, de fantasmes, de mystère même, comme c’est le cas de l’érotisme lui-même. Je suis très heureux de la continuité entre le visuel et le texte : les deux se répondent et se relancent.

Qu’apporte le livre d’original par rapport à ce qui s’est précédemment écrit sur le sujet ?

Mon Petit traité de l’érotisme jette un regard général, pour ne pas dire universel, sur l’érotisme. La plupart des idées qui y sont développées s’appliquent aux hommes aussi bien qu’aux femmes, aux jeunes aussi bien qu’aux plus âgés, et aux personnes de toutes préférences sexuelles. Ma compréhension de la notion de complémentarité est assez nouvelle : est complémentaire ce que nous estimons l’être, ce qui signifie que la complémentarité érotique entre deux personnes est une chose des plus subjectives. Plus encore, elle peut être changeante, ce qui explique pourquoi des couples se font et se défont.

Le livre est organisé en petits chapitres de quelques pages chacun. Il y a une raison à cela ?

Bien sûr : les chapitres de l’ouvrage font écho à divers « mouvements du désir », pourrais-je dire, tout comme on parle de différents mouvements dans une pièce de musique classique. L’émoi, la fascination, l’exotisme, l’adversité et la revanche, par exemple, sont quelques-uns des mouvements qui animent l’attraction sexuelle. C’est l’érotisme en lui-même, tel que tout un chacun peut le ressentir, que j’ai voulu saisir.

Curieusement, vous opposez l’érotisme et la pornographie, alors que beaucoup l’associent, n’est-ce pas ?

Beaucoup de gens confondent en effet érotisme et pornographie. Le Petit traité de l’érotisme, au contraire, les dissocie : la porno serait plutôt le degré zéro de l’érotisme, ce que j’explique dans l’ouvrage. La sexualité humaine suscite tellement d’émotivité qu’on en vient, hélas, à mêler des choses qui ne devraient pas l’être.

Bien que très accessible, votre traité est forcément un travail d’érudition. Comment avez-vous procédé ?

Après discussion avec le directeur des essais, chez VLB, j’ai fait le choix de renoncer aux références et aux notes de bas de page afin d’alléger le texte et d’aller vraiment à l’essentiel. Ce sont en général les textes les plus aisés à lire qui ont demandé le plus de travail. Je voulais que le lecteur ou la lectrice se reconnaissent eux-mêmes en me lisant, qu’ils se disent, en terminant : « Oui, c’est vraiment comme ça que ça se passe. » Même si personne ne l’avait dit ainsi auparavant… Puis, quand on écrit depuis trente ans, il faut arriver à se surprendre soi-même. C’est le but que je m’étais fixé. Le thème s’y prêtait bien. Aux lecteurs de juger, maintenant.

Vous avez d’autres projets ?

J’ai l’habitude de dire que chacun de mes ouvrages est le dernier. Mais je me trompe, manifestement… Le problème, c’est que ce sont plutôt les sujets de mes ouvrages qui finissent par s’imposer à moi. Je n’ai guère l’impression de choisir, à vrai dire. En tant que professeur, j’ai aussi, par déformation professionnelle, un souci d’apprendre des choses aux gens, de faire avancer la connaissance ou les débats, ce qui relève également de mon métier de chercheur.

Il y a tout de même une continuité dans vos ouvrages, ne trouvez-vous pas ?

Sans doute, mais c’est après coup que l’on voit ça. J’ai écrit quinze ouvrages sur divers aspects de la sexualité humaine. Vous m’auriez prédit cela il y a trente ans, quand j’ai débuté, j’aurais été le plus surpris du monde. Je pense que j’ai continué à écrire, en dépit des efforts que cela exige, car j’écris très tôt le matin, pour faire œuvre utile, pour proposer des réponses à des questions irrésolues, pour me dépasser moi-même peut-être. Que les gens me lisent m’a beaucoup encouragé, surtout depuis que je suis traduit en d’autres langues. Chaque auteur se donne une mission. La mienne est d’aider à comprendre le monde de la sexualité humaine, par-delà les préjugés, les stéréotypes et les idées toutes faites. C’est un bien vaste programme…

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