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Entretien

Entretien avec Robert Aird pour «Histoire de la caricature au Québec».

En quelques mots, comment présenteriez-vous votre livre ?

Ce livre traite de l’évolution de la caricature au Québec des débuts en 1759 sous la plume du délicieux Townshend jusqu’à nos jours, avec ses ramifications sur le Web. Robert Aird et moi parlons de la caricature politique, mais aussi du dessin d’humour et de ses liens avec d’autres genres du comique, notamment la bande dessinée. Notre étude remonte aux origines européennes de la caricature et fait sans cesse le lien entre l’art de la caricature d’ici et les grands mouvements de la caricature mondiale ainsi que canadienne avec, en filigrane,  l’évolution de la presse, des arts visuels et des arts du comique. Faire l’histoire de la caricature, c’est aussi faire connaître ses grands artistes, tels Albéric Bourgeois, Robert LaPalme, Girerd, Berthio soit plus d’une centaine de caricaturistes ! C’est également présenter un portrait dérisoire et peu flatteur de l’actualité à travers les époques. Ainsi, notre livre propose en parallèle une histoire des travers, des vices, des anomalies, des absurdités, des gaffes gouvernementales, des préjugés et des opinions publiques vue par la lorgnette de dessinateurs parfois cinglants qui n’ont pas la langue dans leur… plumeau ! Nous exposons, en fin de parcours, les nouveaux défis auxquels font face les caricaturistes du xxie siècle avec l’explosion des nouvelles technologies et la crise de la presse traditionnelle. Le livre est illustré de plus de 200 caricatures, alors, c’est aussi un véritable plaisir à regarder juste pour rire…

Qu’est-ce qui vous a poussés à écrire cet ouvrage ?

Le fait qu’il n’existe aucun livre sur le sujet, sauf un ouvrage en langue anglaise paru en 1979, est évidemment la première motivation à écrire un tel livre. Mais que de courage m’a-t-il fallu pour m’attaquer à un sujet si vaste ! C’est alors qu’il est survenu un événement fort intéressant qui, justement, est lié à ces entretiens en ligne sur le site de VLB éditeur.
Il est d’ailleurs fort amusant de lire chacune de nos versions, que je vous présente l’une après l’autre. D’abord la mienne, puis celle de Robert Aird :  
 
Mira Falardeau. Après la publication de mon premier livre chez VLB éditeur, l’Histoire du cinéma d’animation au Québec, je disais, dans l’entretien mis en ligne sur le site de VLB, que je rêvais d’écrire aussi l’histoire de la caricature au Québec. Il faut dire que je réunissais de la documentation sur le sujet depuis trente ans, mais que je trouvais la tâche si immense ! Un jeune chercheur, Robert Aird, qui venait de publier L’histoire de l’humour au Québec chez le même éditeur, a lu cet entretien et, comme il travaillait à une ébauche d’un tel livre, nous sommes entrés en contact. Étant donné qu’il avait eu le courage de se lancer, je suis partie de son manuscrit et je l’ai transformé avec mes connaissances et ma documentation. C’est ainsi que nous avons réalisé le livre en collaboration. Quelle belle histoire, n’est-ce pas ! 
 
Robert Aird. Je travaillais depuis un bon moment sur l’histoire du comique au Québec, lorsque l’idée d’écrire un livre portant essentiellement sur la caricature s’est imposé. Je connaissais Mira Falardeau comme la spécialiste du genre et j’ai appris par Robert Laliberté, éditeur chez VLB, qui venait de publier L’histoire de la BD au Québec, qu’elle travaillait justement sur le même sujet pour son prochain livre. Quel fou se passerait des connaissances et de  l’expérience de Mme Falardeau? Mon manuscrit était de toute façon rempli de références à ses ouvrages! Sans attendre, je lui ai offert de l’écrire en collaboration. Je suis fier de mon coup ! Seul, je n’aurai jamais pu écrire un livre sur la caricature de cette qualité et j’ai profité de ses expériences.
 
Mira  Falardeau. Mais il faut que je vous raconte une histoire encore plus spéciale. Lorsque j’étais jeune chargée de cours à l’Université Laval, à vint-huit ans, j’enseignais « L’humour visuel » et j’avais invité un jour le grand caricaturiste Robert LaPalme, qui charma mes étudiants par sa verve. Quelques années plus tard, je le revis au Pavillon de l’humour, à Terre des Hommes, dont il était le directeur. Comme il voyait mon engouement pour l’humour, il m’avait dit cette phrase qui est restée gravée dans ma mémoire, quand je lui demandai s’il allait écrire l’histoire de la caricature au Québec. Il me répondit, en me fixant dans les yeux : « Mais non, puisque c’est toi qui va l’écrire, cette histoire ! » Je n’ai jamais oublié cette réponse, surtout qu’elle venait du plus grand caricaturiste québécois !

Comment avez-vous procédé pour travailler ensemble ?

R.A. Étant donné que j’étais déjà avancé, Mira est partie de mon manuscrit et de ses  propres ébauches. Un chapitre terminé, elle me l’envoyait par courriel, je suggérais un changement ou non, on approuvait le texte et on passait à un autre chapitre, sans s’interdire de revenir sur ce qui avait été fait. On sélectionnait respectivement nos images et on procédait ensuite à un tri. C’est ce qui faisait mal, mais il fallait bien faire des choix. Pour la question des droits d’auteur, j’ai travaillé sur quelques caricaturistes, mais Mira a fait le gros du travail, étant donné son expérience dans ce domaine.
 
M.F. Partir d’un texte déjà rédigé est une véritable joie pour un essayiste. Robert a plus de connaissances que moi en histoire politique, c’est donc lui qui a approfondi le background politique. Pour ma part, ma formation d’historienne de l’art me permettait de rattacher certains caricaturistes aux grands caricaturistes européens ou américains et aux mouvements artistiques. De plus, lorsque nous analysions en détail certaines caricatures, Robert apportait l’explication politique, et ensuite, je me penchais sur l’aspect visuel du dessin.

À votre avis, à qui votre livre s’adresse-t-il ?

À tout le monde qui s’intéresse à la caricature, donc au grand public.

Quels sont les écrivains et les œuvres qui ont le plus influencé votre travail ?

M.F. Mon père spirituel est sans aucun doute le chercheur français Gérard Blanchard, qui a publié  La bande dessinée chez Marabout Université en 1969. Son livre rassemble une somme de connaissances uniques, qu’il a été le premier à colliger. Toute mon œuvre a été guidée par les conseils qu’il m’a donnés au cours des nombreux échanges épistolaires et rencontres que nous avons eus jusqu’à son décès, en 1998. Sa vision était qu’il fallait considérer les langages visuels humoristiques comme un tout et voir la caricature, la bande dessinée, le cinéma comique et l’animation dans un même regard. Je n’ai jamais dérogé de cette ligne.
Tous les auteurs qui ont écrit sur l’humour et le rire, Freud et Bergson en tête, sont à lire et à relire, ainsi que les nombreux livres qui présentent des dessins d’humour, caricatures et autres. Quelle détente, de même, que les textes humoristiques qui peuvent se lire soit dans la « grande littérature », comme David Lodge, soit dans les recueils spécifiques !

Quels sont vos projets ?

M.F. Écrire un livre sur les femmes et l’humour. Plus précisément : Femmes et humour, les femmes créatrices dans l’humour médiatique : caricature, BD, cartoons, TV, jeux vidéo, Web. J’ai réalisé, en écrivant ce livre sur la caricature qu’il n’y a presque pas de femmes caricaturistes et j’ai voulu fouiller un peu ce domaine. Comme j’ai fait ma thèse de doctorat sur un sujet voisin, soit la présence des femmes en BD (titre de la thèse : La bande dessinée faite par les femmes en France et au Québec depuis 1960) et que j’ai été moi-même bédéiste et dessinatrice d’humour, je suis sensibilisée à la question. J’ai écrit récemment deux articles sur le sujet et je suis étonnée de voir que, lorsqu’on considère le monde de l’humour en général, les femmes en sont presque totalement absentes. Les festivals de l’humour les oublient, les revues de BD les oublient aussi. Quant au monde des nouvelles technologies, la recherche reste à faire, mais j’ai visité plusieurs studios d’animation numérique et pour le Web au cours de l’écriture de mon Histoire du cinéma d’animation au Québec, et j’y ai vu peu de femmes. Donc, il s’agit d’un véritable problème et j’ai bien hâte de me pencher davantage sur la question.

Avez-vous une adresse électronique où vos lecteurs peuvent vous écrire ?

mir.falardeau@videotron.ca & robertaird@videotron.ca.

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